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Obstruction biliaire

extra-hépatique

Sommaire

Les obstructions biliaires extra-hépatiques sont rares chez le chat. Elles sont le plus souvent tumorales ou associées au complexe cholangio-hépatite-pancréatite-entérite. La levée de l’obstruction biliaire nécessite le plus souvent une intervention chirurgicale.

 

Auteurs : Drs. A.-S. Meunier, E. Bomassi et S. Libermann 24-08-2010 Centre Hospitalier Vétérinaire des Cordeliers, 29-35 avenue du Maréchal Joffre, 77100 Meaux. E-mail : asmeunier@chvcordeliers.com Cet article a été publié dans : L’Essentiel (2010) 191 : p 10-13

Obstruction biliaire extra-hépatique Traitement par cathétérisme du cholédoque

  • Traditionnellement, une cholécysto-entéro anastomose est réalisée mais les complications associées sont fréquentes. La réalisation d’un cathétérisme du canal cholédoque est une alternative intéressante.

Anamnèse

Une chatte européenne stérilisée de 8 ans pesant 2,5 kg est présentée en consultation pour une baisse progressive de l’état général (abattement, anorexie, déshydratation) associée à des troubles digestifs (vomissements essentiellement) évoluant depuis une semaine.

L’examen clinique montre comme principale anomalie un ictère et la présence d’une masse abdominale crâniale d’environ 4 cm de diamètre. Cet ictère peut être d’origine pré-hépatique (hémolyse), hépatique ou post-hépatique.

Une analyse d’urines et un bilan sanguin (biochimie, numération et formules sanguines) sont effectués. L’examen biochimique (tableau 1) confirme la présence d’une hyperbilirubinémie. Il montre une augmentation des activités des enzymes hépatiques (PAL et ALAT) et une hyperglobulinémie. L’urémie, la créatinémie, l’albuminémie et la glycémie sont dans les valeurs usuelles. La numération et la formule sanguine sont normales. Aucun signe direct ou indirect d’hémolyse n’est présent (absence d’hémoglobinurie macroscopique ou sur la bandelette urinaire, sérum non hémolysé, absence d’anémie).

Les deux hypothèses sur l’origine de cet ictère sont une origine hépatique (tumorale, inflammatoire, lipidose hépatique…) ou post-hépatique (cholestase extra-hépatique ou intra-hépatique, intraluminale ou extraluminale).

Apport de l’échographie abdominale

Une échographie abdominale est réalisée afin d’explorer ces différentes hypothèses.

Elle met en évidence une dilatation des canalicules biliaires intra-hépatiques (diamètre de 9 mm, photo 1).

La vésicule biliaire est volumineuse et sa paroi est épaissie (23 mm).

Le canal cholédoque est très dilaté et tortueux (photo 2). Une masse tissulaire totalement obstructive est visualisée dans la lumière distale du canal cholédoque jusqu’à la papille duodénale majeure (photo 3).

À ce stade, l’hypothèse diagnostique principale est une obstruction du canal cholédoque par une masse tissulaire en regard de la papille duodénale responsable d’une rétention biliaire et d’un ictère post-hépatique.

La nature de la masse n’est pas déterminée à l’échographie, les deux hypothèses sont une tumeur ou une masse inflammatoire.

Approche thérapeutique

Après une prémédication intraveineuse de butorphanol (0,2 mg/kg, Dolorex®) et de midazolam (0,2 mg/kg, Midazolam Aguettant®), l’animal est induit au thiopenthal (10 mg/kg, Nesdonal®) et l’entretien est réalisé avec un relais gazeux à l’Isoflurane dans du dioxygène pur. La laparotomie exploratrice permet de confirmer l’obstruction biliaire (photo 4).

Une duodénotomie antimésentérique en regard de la papille duodénale majeure est réalisée.

Photo 4 – Dilatation majeure et tortuosité du canal cholédoque (visualisées préalablement lors de l’échographie abdominale).

Un tissu prolifératif dans la lumière du canal cholédoque distal et de la papille duodénale majeure s’oppose à l’écoulement biliaire. Ce tissu est biopsié.

Photo 5 – Cathétérisme du canal cholédoque par voie rétrograde avec une sonde urinaire

Le canal cholédoque est cathétérisé par voie rétrograde avec une sonde urinaire (photo 5). L’extrémité de la sonde est suturée au duodénum. L’objectif est de laisser cette sonde en place afin de jouer le rôle de stent et qu’elle garantisse ainsi la perméabilité du sphincter de Oddi.

À moyen terme, on espère pouvoir gérer médicalement la cause de la sténose.

Évolution post-opératoire

Après l’intervention, un traitement antibiotique à base de céfalexine (15 mg/kg BID, Rilexine®), de spiramycine et de dimétridazole (120 000 UI/kg de spiramycine et 16 mg/kg de dimétridazole BID, Spiraphar®) est mis en place. L’animal reçoit aussi de la prednisolone (1 mg/kg SID, Megasolone®). L’état de l’animal s’améliore progressivement et la chatte mange spontanément 36 heures après la chirurgie.

Un examen biochimique et hématologique mis en œuvre 3 jours après la chirurgie montre que les activités des enzymes hépatiques (PAL et ALAT) et la bilirubinémie sont nettement diminuées par rapport aux valeurs préopératoires (tableau 2).

L’échographie de contrôle montre une régression de la dilatation des voies biliaires (photo 6) et permet de vérifier que le stent est toujours en place (photo 7 a,b,c).

La chatte est rendue à son propriétaire 72 heures après l’intervention. Le traitement antibiotique et anti-inflammatoire est poursuivi pendant 15 jours. Lors du retrait des fils à 15 jours, l’évolution clinique de l’animal est très satisfaisante.

Diagnostic histologique

L’analyse histologique identifie uniquement un tissu inflammatoire non spécifique.

Quelles sont les causes d’obstruction biliaire chez le chat ?

Les causes d’obstruction biliaire extra-hépatique décrites chez le chat sont multiples. Les affections responsables peuvent concerner différents organes (voies biliaires, pancréas ou tube digestif) et sont souvent associées 1.

Les lésions des voies biliaires ou du pancréas sont de nature inflammatoire (cholangiohépatite, cholecystite, pancréatite, entérite, 37 % à 59 % des cas 2, 3) ou tumorales (40 % des cas : 23 % d’adénocarcinomes biliaires, 9 % d’adénocarcicomes pancréatiques, 9 % de lymphomes 2).

Il peut aussi s’agir de calculs (cholélithes dans 0 % à 23 % des cas 2, 3). Dans 38 % des cas où une maladie inflammatoire est considérée comme la cause de l’obstruction, une masse fibrosée dans le canal cholédoque est identifiée comme l’élément directement responsable de l’obstruction biliaire comme dans ce cas 2.

Une infestation parasitaire, un corps étranger, une hernie diaphragmatique, une malformation congénitale (kystes hépatiques), ou une sténose du canal cholédoque peuvent aussi être responsable d’obstructions biliaires 1, 4, 5.

Les particularités anatomiques du chat par rapport au chien le prédisposent à l’association de maladies hépatiques et pancréatiques. Le canal pancréatique principal rejoint le canal cholédoque avant son abouchement dans le duodénum au niveau de la papille duodénale majeure 3 centimètres distalement au pylore 1, 6. Le canal pancréatique accessoire (qui se déverse au niveau de la papille duodénale mineure 2 centimètres distalement à la majeure) n’est présent que chez 20 % des chats 4, 6.

Chez le chien, c’est le canal pancréatique accessoire de plus gros diamètre qui assure la majorité de l’excrétion des sécrétions pancréatiques alors que le canal pancréatique principal, très fin, draine uniquement le lobe gauche du pancréas et n’est pas fusionné avec le canal cholédoque 6. Les lésions pancréatiques en cause peuvent être de différentes natures : tumeurs (adénocarcinomes principalement), pancréatites, abcès pancréatiques…1_3).

Suspicion et confirmation d’un diagnostic

Les symptômes des obstructions biliaires sont peu spécifiques : atteinte de l’état général (abattement, déshydratation, amaigrissement, anorexie, hypothermie ou hyperthermie), troubles digestifs (vomissements), ictère. Aucune modification de la numération et de la formule sanguine ou des paramètres biochimiques ne sont pathognomoniques d’une obstruction biliaire. Le diagnostic nécessite la mise en œuvre d’examens d’imagerie et notamment la réalisation d’une échographie abdominale.

L’échographie abdominale est l’examen de choix pour diagnostiquer une obstruction biliaire 1, 2. Une distension subjective du canal cholédoque et une tortuosité importante de celui-ci sont mis en évidence dans 71 à 85 % et 79 % des cas respectivement 1, 2. Un épaississement de la paroi de la vésicule biliaire et une distension de la vésicule biliaire sont moins fréquents (61 % à 67 % des cas et 38 à 62 % des cas respectivement 1, 2, 3). Une distension des canaux biliaires intra-hépatiques et/ou extrahépatique, normalement non visualisables, s’observe dans 90 % des cas d’obstruction biliaire 3; les dilatations des voies biliaires ne sont cependant pas spécifiques des obstructions et sont souvent observées chez les animaux anorexiques. Dans certains cas, une masse obstruant les voies biliaires intra ou extra-luminale (20% à 29% des cas) ou un cholélithe (20 % des cas) sont visualisés 1, 2, 3. L’échographie permet aussi éventuellement de visualiser d’autres anomalies : une modification d’échogénicité ou de taille du foie ou du pancréas, des modifications de la paroi du tube digestif…2. La sensibilité et la spécificité de l’échographie pour les obstructions biliaires dépendent aussi de l’expérience du manipulateur et de la qualité de l’appareil utilisé.

D’autres examens comme le scanner ou la scintigraphie sont utiles pour établir le diagnostic mais nécessitent une anesthésie générale 1, 2, 7.

Aucun examen complémentaire considéré de manière isolé ne permet de confirmer le diagnostic et l’association de la clinique et des différents examens (biochimie et imagerie principalement) est nécessaire 1, 2.

Options chirurgicales disponibles

Différentes techniques chirurgicales sont décrites.

Les techniques classiques consistent à anastomoser les voies biliaires au tube digestif : principalement cholécystoduodénostomie ou cholécystojéjunostomie quand les tensions sont trop importantes pour une anastomose duodénale 1. La mortalité à court terme est importante : elle est de 57 % dans les 48 h après le début de l’intervention si on exclut les euthanasies sur demande du propriétaire en raison d’un pronostic trop sombre ou d’une récupération post-opératoire insuffisante 1, 2.

Les complications péri-opératoires sont très fréquentes : hypotension réfractaire aux thérapies vasopressives classiques, baisse de la contractilité cardiaque, insuffisance rénale aigüe, coagulopathies, anémie, hémorragies gastro-intestinales 1, 2.

À moyen et à long terme, les complications postopératoires sont aussi importantes : cholangites et cholécystites chroniques, sténose de la zone d’anastomose, récidive d’obstruction, troubles digestifs chroniques par insuffisance pancréatique exocrine 2, 6, 8.

En considérant uniquement les cas dont le statut clinique a permis la sortie d’hospitalisation après une cholédocho-entéroanastomose, la médiane de survie est de 447 jours après la sortie pour les cas avec une maladie inflammatoire chronique contre 31 jours seulement pour les cas où l’obstruction est d’origine néoplasique 2. Cette différence s’explique par la malignité des tumeurs diagnostiquées.

D’autres techniques (cholécystotomie, cholédochotomie avec mise en place d’un tube ou d’un cathéter percutané) sont aussi décrites 6.

Étant donné les complications fréquentes des cholécystoentéroanastomoses et la mortalité importante associée à ces techniques, plus récemment, des techniques de cathétérisme ont été décrites dans des cas d’obstruction associée à des maladies inflammatoires et notamment à des pancréatites 1, 8.

Des portions de sonde naso-œsophagienne de réalimentation de 3,5 à 5 gauges française ou des cathéters intraveineux sont utilisés 8.

À court terme, les complications post-opératoires spécifiques de cette technique chirurgicale sont une obstruction du stent (29 % des cas sont obstrués dans la semaine suivant la chirurgie 8) et une migration trop précoce du stent dans le duodénum 1.

À long terme, des vomissements intermittents apparaissent dans 2 cas sur 58. Dans 2 cas sur 3, le cathéter est expulsé dans les fèces grâce au péristaltisme intestinal après résorption des sutures entre 3 à 5 mois suivant sa mise en place 8. Dans 1 cas sur 3, un retrait par voie orale sous contrôle endoscopique est nécessaire8 à cause de cholécystites ascendantes récurrentes 8. Au final, dans 57 % des cas d’obstruction d’origine inflammatoire associée à une pancréatite, un cathétérisme est thérapeutique 8.

  • Les obstructions biliaires extra-hépatiques chez le chat sont rares.
  • L’échographie est donc l’examen de choix pour le diagnostic de l’obstruction et permet de formuler des hypothèses sur son étiologie.
  • La levée de l’obstruction passe par un traitement chirurgical grâce auquel le diagnostic étiologique sera établi.
  • Un cathétérisme du canal cholédoque est une alternative intéressante aux cholécystoentéroanastomes. C’est une technique moins invasive et qui réduit le temps anesthésique.

Cependant, des études sur un plus grand nombre de cas sont nécessaires pour évaluer les taux de survie, les taux et la nature des complications ainsi que les espérances de vie associés aux deux types de techniques. Dans ce cas, où l’obstruction est d’origine inflammatoire et où l’évolution postopératoire est très satisfaisante, le pronostic est plutôt bon.

Bibliographie

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  5. Lecoindre P, Chevallier M (2004). Extrahepatic biliary tract diseases in cats. Case reports and bibliographic synthesis. Revue Méd Vét. 155 : 591-597
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  8. Mayhew PD, Weisse CW (2008) Treatment of pancreatitis-associated extrahepatic biliary tract obstruction by choledochal stenting in seven cats. Journal of Small Animal Practice 49 : 133-8
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