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Envenimation humaine colubridé

Un cas d’envenimation humaine par un colubridé de compagnie, un Heterodon nasicus

Sommaire

  • Les colubridés classiquement vendus en animalerie ne représentent pas de réel danger pour leur propriétaire car ils sont considérés comme non venimeux.
  • Cet article présente un cas rare d’envenimation par un Heterodon nasicus.

Summary

A case of human envenomation by a pet colubrid, Heterodon nasicus

A snake owner, Heterodon nasicus, is bitten by his reptile during feeding. Symptoms of envenomation, including edema and hemorrhage, appear rapidly and progress until the patient is managed by an emergency department 14 hours after the bite. Surgery is performed to cure a phlyctene. The victim retains sequelae 5 months after the bite with a 50% decrease in fnger mobility. Owners, practitioners and technicians should be aware of potential dangerousness and handle this species with caution.

Keywords

Heterodon nasicus, envenimation, colubrids, Duvernoy’s gland

Auteurs : Drs. Lucas Flenghi*, Charlotte Hubler**, Christophe Bulliot***  et Céline Levrier* 09-02-2018

* Service NAC Exotic Clinic, CHV des Cordeliers, 29 av. du Maréchal-Joffre, 77100 Meaux ** Repti Conseils & Formations, 11B, route de Villemort, 86310 Haims *** Exotic Clinic, 38 rue d’Arqueil, 77176 Nandy E-mail : nac@chvcordeliers.com

Un cas d’envenimation humaine par un colubridé de compagnie, un Heterodon nasicus

Résumé

Le propriétaire d’un serpent Heterodon nasicus est mordu à l’occasion d’un nourrissage. Des symptômes d’envenimation avec notamment un œdème et une hémorragie apparaissent rapidement et évoluent jusqu’à la prise en charge du patient par un service d’urgence 14 heures après la morsure. Une intervention chirurgicale est réalisée pour cureter une phlyctène. La victime garde des séquelles 5 mois après la morsure avec une mobilité du doigt mordu diminuée de 50 %.

Les propriétaires, les praticiens et le personnel soignant doivent avoir connaissance de la dangerosité potentielle de cette espèce et  manipuler les reptiles avec précaution.

Les principales familles de serpents venimeux sont les suivantes : ColubridaeElapidaeHomalopsidaeLamprophiidaeNatricidaeViperidae (encadré 1[68]. Les Viperidae (vipères et crotales) et des Elapidae (serpents corail, mambas et cobras) sont responsables de la plupart des cas d’envenimation [13]. La famille des Colubridae représente environ 60 % des serpents, pour la plupart inoffensifs pour l’homme, et comprend quelques espèces venimeuses [8]. Les Colubridae non venimeux sont, avec les Boïdés (boas et pythons), la principale famille de serpents représentée parmi les nouveaux animaux de compagnie (NAC).

Les espèces les plus populaires détenues en captivité sont le serpent des blés (Pantherophis guttata) et les serpents roi et faux-corail (genre Lampropeltis). Heterodon nasicus est moins populaire (encadré 2). Des cas d’envenimation humaine par ce serpent ont déjà été décrits. Cet article présente un cas chez un propriétaire et décrit l’évolution des symptômes (1).

Serpents venimeux

Un serpent venimeux se définit classiquement par sa capacité à fabriquer du venin et à l’injecter au moyen de dents spécialisées. La glande à venin dite “glande de Duvernoy” est une glande salivaire modifiée [8]. Chez les serpents, il existe une différence  morphologique au niveau de leur denture, ce qui permet de définir quatre types d’appareils venimeux.

L’appareil venimeux à denture aglyphe

L’appareil venimeux à denture aglyphe est dépourvu de crochets venimeux (majorité des Colubridae) et doté de glandes situées de chaque côté du maxillaire [7]. Les substances toxiques s’écoulent dans des conduits s’ouvrant au niveau de la muqueuse buccale près des dents maxillaires supérieures. Ces dents sont solides, pleines et non sillonnées. Elles sont de taille similaire aux autres dents, ou bien plus longues [89]. La denture est qualifiée de protérodonte lorsque les dents les plus développées sont en position rostrale, sous  l’articulation maxillo-frontale, et d’opisthodonte quand les dents sont plus caudales, sous l’articulation maxillo-transverse [7].

Heterodon nasicus possède ce dernier type de denture. Lors de la morsure, l’introduction du venin dans la plaie est permise par le contact étroit avec les muqueuses et des mouvements de mâchonnement. Ce système d’envenimation est le plus primitif car les dents ne sont pas spécialisées pour l’inoculation du venin [11].

L’appareil venimeux à denture opisthoglyphe

L’appareil venimeux à denture opisthoglyphe possède un ou plusieurs crochets agrandis et sillonnés sur leur face antérieure, et généralement situés en arrière de l’œil, sur la partie postérieure d’un long maxillaire [3, 7-9]. Le venin s’écoule le long des canaux de la glande de Duvernoy localisée dans la région temporale, puis emprunte le sillon de la dent spécialisée pour être finalement inoculé au niveau de la zone mordue [8, 13].

L’appareil venimeux à denture protéroglyphe

Dans l’appareil venimeux à denture protéroglyphe (Elapidae), un ou plusieurs crochets agrandis, profondément canaliculés et fixes, sont en position rostrale d’un court maxillaire en regard du préfrontal. La gouttière de ces dents spécialisées est presque entièrement fermée [79]. Ces serpents possèdent une glande dont l’extrémité du canal se termine à la base des crochets spécialisés et des muscles adducteurs superficiels externes fixés à la glande [8, 13].

L’appareil venimeux à denture solénoglyphe

Dans l’appareil venimeux à denture solénoglyphe (Viperidae et Atractaspidinae sous-famille des Lamprophiidae), deux crochets venimeux de grande taille et mobiles sont en position rostrale d’un maxillaire très réduit et mobile. Ils sont repliés en direction caudale lorsque la gueule est fermée et se redressent vers l’avant lors de l’attaque. Les crochets sont creux telles des aiguilles et reliés à leur base au canal d’une grande glande venimeuse associée aux muscles compresseurs de la glande qui se contractent pour excréter le venin [7913]. Cet appareil venimeux est le plus efficace [89].

Heterodon nasicus

Le serpent à groin ou Heterodon nasicus est une couleuvre parfois rencontrée en consultation vétérinaire (photo 1[1]. Il fait partie de la sous-famille des Dipsadinae (781 espèces). Cette sous-famille des Colubridae (1 895 espèces) fait partie de la superfamille des Colubridea qui comprend tous les serpents venimeux et notamment les familles des Elapidae (362 espèces) et des Viperidae (342 espèces).

Le genre Heterodon inclut cinq espèces : Heterodon gloydiHeterodon kennerlyi (serpent à groin du Mexique), Heterodon nasicusHeterodon platirhinos (couleuvre à nez plat) et Heterodon simus (serpent à groin du Sud) [10].

L’aire de répartition du serpent à groin est vaste et s’étend du Canada au sud des États-Unis. Il occupe ainsi des biotopes et des zones climatiques très variés. Son corps est court et trapu. Sa taille adulte est en moyenne de 40 à 65 cm, et jusqu’à 90 cm pour les femelles. Il se caractérise par un museau retroussé vers le haut dont il tire son nom vernaculaire, et qui est lié à un comportement terrestre et fouisseur. Ce serpent aux mœurs diurnes est un chasseur actif et se nourrit à l’état naturel de grenouilles, de crapauds et de lézards [1011].

Cas clinique

Circonstances de la morsure

Un propriétaire est victime d’une morsure par son serpent colubridé, serpent à groin, Heterodon nasicus (femelle de 3 ans de 400 g). Cet homme de 26 ans, pesant 68 kg pour une taille de 1,78 m, n’a pas d’antécédents médicaux importants, ni d’allergies connues. Éleveur capacitaire aux compétences reconnues, il est soigneur animalier dans une structure professionnelle et côtoie plusieurs milliers de reptiles au quotidien.

La morsure survient vers 19 heures lors d’un nourrissage. Le serpent est au préalable nourri avec succès, il saisit la proie et se cache dans son abri pour l’ingérer. Le soigneur revient quelques minutes plus tard pour changer la gamelle d’eau. Le reptile a alors terminé l’ingestion de sa proie et répond au stimulus provoqué par le mouvement dans son habitat et par l’odeur potentielle de proie sur les mains du soigneur par une attaque de prédation.

Il mastique avec puissance les phalanges intermédiaire et proximale de l’index gauche pris pour une seconde proie. Pour ne pas blesser l’animal, le soigneur essaie en vain de lui faire lâcher sa prise volontairement en lui instillant de la Listerine®(2) dans la gueule (le placement de la tête du serpent sous l’eau tiède n’a pas été tenté). La morsure dure environ 2 minutes avec des mouvements de mastication importants, confirmant la morsure de prédation, et devient très douloureuse et difficile à supporter. Le soigneur recourt à une pince pour ouvrir la gueule du serpent. Il précise qu’à ce stade la douleur semble ne provenir que de l’aspect mécanique de la morsure.

Une fois l’animal sécurisé dans son habitat, la victime procède à un lavage rigoureux de la plaie (savon liquide et Biseptine®(2) [chlorhexidine]). Le saignement abondant et continu est atténué par la pose d’un pansement non compressif.

Évolution

Un œdème léger de la zone mordue est constaté à T0 + 3 à 4 min (T0 : fin de la morsure). À T0 + 10 à 15 min, une douleur pulsatile, modérée et supportable (évaluation de 3/10) est perçue. À T0 + 30 min, une rigidité du doigt, une diminution de l’amplitude du mouvement et une persistance du saignement sont constatées (photos 2a et 2b). L’œdème continue de progresser sur les faces palmaire et dorsale de la main en direction du poignet (photos 3 et 4). Le saignement persiste. À T0 + 1 h 30, le doigt mordu est complètement rigide et n’a plus aucune amplitude de mouvement (photo 5). Malgré l’évolution de l’œdème, la victime choisit de ne pas consulter et trouve le sommeil, malgré une nuit légèrement agitée et désagréable. Vers 6 heures du matin (T0 + 10 h), elle est réveillée par une douleur intense, très marquée et pulsatile (évaluation de 6 à 7/10) qui persiste jusqu’à la prise en charge à l’hôpital (photo 6). L’œdème touche l’ensemble de la main et le poignet et remonte vers le coude. Le saignement est encore présent. Une phlyctène est apparue sur le bord médian de l’index (photos 7a à 7c). À T0 + 13 h, l’œdème remonte jusqu’à l’épaule (photo 8). À T0 + 14 h, dans l’incapacité de conduire, la victime se fait accompagner aux urgences de l’hôpital de Melun (77) où il est pris en charge immédiatement. À T0 + 19 h, un curetage chirurgical de la phlyctène est réalisé (photos 9a et 9b). Le patient reste hospitalisé 3 jours et se voit prescrire des soins locaux, une antibiothérapie et un arrêt de travail de 15 jours qui sera renouvelé pour une période identique en raison du risque infectieux sur son lieu de travail. Nous n’avons pas eu accès aux résultats des analyses sanguines et histologiques. La disparition de l’œdème a nécessité 1 mois et demi.

À ce jour, 5 mois après l’accident, la mobilité du doigt et l’amplitude de mouvement sont réduites d’environ 50 % de leur capacité.

Photo 2a - T0 + 30 min

Vue de profil
Un œdème au niveau de l’index gauche et un saignement persistant sont observés.

Photo 2b - T0 + 30 min

Face palmaire de la main gauche
Un œdème au niveau de l’index gauche et un saignement persistant sont observés.

Photo 3 - T0 + 45 min.

L’œdème se développe sur les faces palmaire et dorsale de la main et un saignement est toujours présent.

Photo 4 - T0 + 1 h

Observation de l’œdème touchant la moitié de la main sans concerner le poignet.

Photo 5 - T0 + 1 h 30.

L’œdème de la main est conséquent.

Photo 6 - T0 + 10 h.

Observation de l’œdème sur l’ensemble de la main et atteignant désormais le poignet.

Photo 7a - T0 + 12 h.

Vue de profil
Observation de l’œdème et de la phlyctène apparue dans la nuit.

Photo 7b - T0 + 12 h.

Face dorsale
Observation de l’œdème et de la phlyctène apparue dans la nuit.

Photo 7c - T0 + 12 h.

Face palmaire
Observation de l’œdème et de la phlyctène apparue dans la nuit.

Photo 8 -T0 + 13 h.

Face dorsale
Observation de l’œdème et de la phlyctène

Photo 9a - J + 1

Observation du doigt en phase postopératoire après l’intervention chirurgicale.

Photo 9b - J + 15

Observation du doigt en phase postopératoire après l’intervention chirurgicale.

Photo : D. Frammery

Discussion

Différents types de venin

Il existe trois types de venins : cytotoxiques, neurotoxiques et hémotoxiques [9]. Leur fonction principale est d’immobiliser ou de tuer la proie. Ils sont constitués d’un mélange complexe d’acides aminés, de protéines et d’enzymes [6].

Les venins neurotoxiques se retrouvent principalement chez les Elapidea et quelques crotales dont la morsure est peu douloureuse dans la majorité des cas [9].

Les Atractaspidinae sont dotés de venins cytotoxiques. Les venins cytotoxiques et hémotoxiques sont caractéristiques des Viperidae, mais quelques Elapidae présentent toutefois des cytotoxines dans leurs venins. La morsure est très douloureuse et provoque une forte réaction inflammatoire, un œdème, une nécrose et une hémorragie [9]. Dans le cas décrit, ce type de réaction a été constaté.

Le venin d’Heterodon nasicus a une activité enzymatique phosphodiestérase. Les enzymes phosphodiestérases catalysent l’hydrolyse d’une liaison ester d’un phosphodiester et comprennent notamment des phospholipases. Une activité protéolytique est signalée [4]. Les symptômes et les effets généralement décrits lors d’envenimation par Heterodon nasicus sont des saignements importants et continus, l’apparition de phlyctènes, de plaies, d’un œdème (parfois très évolutifs), d’une lymphadénopathie, et d’une douleur plus ou moins importante et pulsatile [13]. Ces symptômes sont retrouvés chez ce patient. Une envenimation par contact entre la salive et la plaie de morsure est fortement probable bien qu’une réaction d’hypersensibilité de type I ne puisse être écartée.

Risque lié à Heterodon nasicus

L’espèce Heterodon nasicus est évaluée à un niveau 3 sur l’échelle d’indice de risque évoquée dans l’ouvrage de référence “Venomous” Bites from Non Venomous Snakes [13]. Ce niveau définit des effets localisés légers à modérés fréquemment associés à une morsure prolongée [13]. Celle-ci permet une pénétration plus importante de la toxine à travers les nombreuses plaies infligées par les dents, notamment par les dents maxillaires postérieures.

La morsure décrite ici est accidentelle, survenue lors du nourrissage du reptile [13]. Dans la majorité des cas, il est également fait mention de l’obligation de recourir au retrait forcé du spécimen, ce dernier infligeant des mastications puissantes et répétées qui simulent une prise alimentaire. La situation ici rapportée est représentative sur ce point [13]. Quelques patients ont signalé une  arthropathie et une amplitude de mouvement compromise des extrémités atteintes persistant pendant plusieurs mois [13]. En cas de morsure de serpents venimeux, la personne mordue doit être mise à l’écart et le serpent sécurisé. La victime doit être placée au calme et les secours sont contactés rapidement [5, 8]. Il n’existe pas de sérum antivenimeux pour les espèces du genre Heterodon, et aucune donnée ne prouve une quelconque neutralisation croisée in vivo d’un antivenin poly- ou monovalent.

Classification zoologique

Sur le plan zoologique, un serpent venimeux se caractérise par sa capacité à fabriquer du venin, puis à l’injecter dans la zone mordue grâce à une denture spécialisée [8]. L’étude anatomique de l’appareil venimeux des serpents (denture, glande à venin et son conduit) permet de distinguer les vrais spécimens venimeux (opisthoglyphes, protéroglyphes et solénoglyphes) des Colubridae aglyphes [13].

Contrairement aux vrais animaux venimeux dotés d’un système injecteur caractérisé par des crochets avec un canal ou un sillon inoculateur, les sécrétions des glandes de Duvernoy des Colubridae à la denture aglyphe ne sont pas réellement injectées dans la blessure [213]. Ces derniers possèdent une faible capacité de stockage et présentent une organisation des canaux conducteurs de venin différente. Ces glandes ne sont généralement pas directement associées à des muscles compresseurs, et ne peuvent donc être vidées de façon efficace et contrôlée (sauf dans le cas du boomslang vert [Dispholidus typus]). Les serpents dotés de ce type de glande comme Heterodon nasicus ont un système d’injection du venin dit “à faible pression” [12, 13]. Ce serpent a une denture aglyphe opisthodonte avec deux dents plus longues situées à l’arrière du maxillaire non dotées de sillons ou de rainures pour diriger le venin. Celui-ci pénètre dans la plaie grâce à un contact étroit avec les muqueuses lésées par les dents, ce qui nécessite de longs mouvements de mastication [2, 8]. La glande de Duvernoy s’ouvre dans la cavité buccale sans conduit spécialisé dirigeant le venin vers les dents.

Chez les Colubridae opisthoglyphes, les sécrétions toxiques sont conduites par capillarité le long de la surface de la dent, guidées par leurs rainures [13]. Les Viperidae, les Atractaspidinae et les Elapidae sont les serpents venimeux typiques. Ces serpents protéroglyphes et solénoglyphes possèdent des muscles striés capables de compresser la glande de façon contrôlée pour expulser le venin dans son canal puis l’injecter en profondeur dans la zone mordue grâce à leurs dents spécialisées. Ce type de serpents possède un système d’injection du venin dit “à forte pression” [8, 13]. La fonction venimeuse représente un avantage évolutif certain dans la prédation, mais a subi une régression secondaire au sein des Colubridae. Il est, en l’état actuel des connaissances, difficile de déterminer si l’appareil venimeux de Heterodon nasicus est un caractère primitif hérité d’un ancêtre venimeux de type Viperidae ou un caractère dérivé, autrement dit évolué, acquis indépendamment [5, 7, 11].

Prévention des morsurespar Heterodon nasicus

La classification des serpents venimeux n’est pas encore clairement établie et indépendante de la classification zoologique [4, 7]Heterodon nasicus ne fait pas partie des espèces considérées comme dangereuses aux yeux de la loi française (liste établie par l’arrêté du 21 novembre 1997 et reprise dans celui du 10 août 2004). En raison de la présence d’une glande de Duvernoy et d’un venin issu d’une synthèse endogène, Heterodon nasicus doit être considéré comme venimeux malgré l’absence de crochets spécialisés [11]. Il convient que les propriétaires, les praticiens et le personnel soignant aient connaissance d’une dangerosité potentielle de Heterodon nasicus et manipulent cette espèce avec précaution. Ce serpent est d’un naturel placide et une morsure, souvent accidentelle, est liée à l’odeur de proies potentielles.

Le potentiel d’envenimation par Heterodon nasicus a longtemps fait l’objet de débats. Les morsures par ce serpent sont rares, mais des cas d’envenimations humaines ont déjà été décrits [12]. Ces derniers sont généralement liés à une erreur de la part du propriétaire et en rapport avec un nourrissage du reptile, et non à une attaque par agressivité (morsure de défense). Le cas présenté entre dans la catégorie des morsures par prédation, et non par agressivité, car le reptile avait déjà consommé une proie, et il a très probablement été stimulé par le mouvement de la main du soigneur et l’odeur de proie imprégnée sur celle-ci. La mastication opérée par le serpent, qui a permis l’inoculation du venin, est également typique d’une prédation. Moret et coll. précisent que les morsures de serpents venimeux survenues lors d’un nourrissage sont les plus dangereuses car les animaux inoculent volontairement leur venin afin de tuer leur proie. Les morsures de défense peuvent être des morsures sèches, c’est-à-dire sans inoculation de venin, et sont de ce fait potentiellement moins dangereuses [9].

Le recours à une pince lors du nourrissage pour présenter la proie au serpent ou la placer dans le terrarium doit donc être recommandé aux propriétaires [11]. Il convient de ne pas manipuler le reptile ni de passer les mains près de lui durant le nourrissage ou dans ses parages. En cas de non-consommation d’une proie, son retrait du terrarium doit être fait à la pince. Dans le cadre de la clinique, un nettoyage méticuleux notamment de la table de consultation, du matériel et des mains des manipulateurs ainsi qu’une aération de la pièce sont indispensables pour éliminer toute odeur susceptible d’être assimilée à une proie par le serpent. Le praticien doit également prendre garde à la présence éventuelle de telles odeurs sur ses vêtements. Ce serpent est d’un naturel calme, mais doit être manipulé avec douceur, sans geste brusque. Le temps de manipulation doit être court.

Conclusion

Heterodon nasicus est un animal de compagnie devant être considéré comme potentiellement dangereux. Sa possession devrait être réservée à des adultes avertis des risques faibles mais bien réels d’envenimation. Des règles de prudence lors des manipulations et du nourrissage sont à appliquer.

Notes en bas de page

(1) Note des auteurs

La description de ce cas est une simple observation recueillie par une personne non issue du milieu médical humain. Le dossier médical de la victime n’a pu être consulté par la rédaction. Le cas examiné et évalué par les auteurs se situe à un niveau mixte C/D (rapport de cas préparé et interprété par un auteur non accrédité et non médicalement qualifié, information clinique limitée/cas publié sans rapport d’évaluation clinique ou médicale approprié fondé sur des informations recueillies sans protocole méthodique) [13]. Cette description de l’évolution clinique et du ressenti de la victime contient des symptômes importants détaillés, mais sans évaluation ni validation médicales.

(2) Médicament humain.

Bibliographie

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  2. Chippaux JP. Venins de serpents et envenimations. IRD Éditions, Paris. 2002:288p.
  3. Ebell MD, Siwek J, Barry DC et coll. Strength of recommendation taxonomy (SORT): A patient-centered approach to grading evidence in the medical literature. Am. Fam. Physician. 2004;69(3):548.
  4. Hill RE, Mackessy SP. Characterisation of venon (Duvernoy’s secretion) from twelve species of colubrid snakes and partial sequence of four venom proteins. Toxicon. 2000;38:1663-1687.
  5. Ineich I. État actuel de nos connaissances sur la classifcation des serpents venimeux. Bull. Soc. Herp. Fr. 1995;75-76:7-24.
  6. Leonatti Wilkinson S. Guide to venomenous reptiles in veterinary practice. J. Exot. Pet. Med. 2014;23:337-346.
  7. Magnol JP, Gattolin B. La morsure des Sauriens et des Ophidiens venimeux. Prat. Méd. Chir. Anim. Comp. 2000;35:235-245.
  8. Mebs D. Animaux venimeux et vénéneux. Éd. Lavoisier, Paris. 2006:345p.
  9. Moret P, Gerard P. Les serpents venimeux. Philippe Gérard Éditions, Paris. 1999:82p.
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  13. Weinstein S, Warrell D, White J, Keyler D. “Venomous” bites from non-venomous snakes. A critical analysis of risk and management of “Colubrid” snake bites. Éd. Elsevier, Saint Louis. 2011:364p.

Remerciements

Les auteurs remercient M.Dylan Frammery pour avoir répondu à notre questionnaire sur son envenimation et pour son prêt iconographique.

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