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Myocardiopathie dilatée

chez une chienne Boxer

Prise en charge thérapeutique

  • La myocardiopathie dilatée (MCD) est une des cardiopathies acquises les plus fréquemment rencontrées dans l’espèce canine, particulièrement chez les chiens de grand format.
 

Auteur : Dr. E. Bomassi 13-09-2011 Centre Hospitalier Vétérinaire des Cordeliers, 29 avenue du Maréchal Joffre, 77100 Meaux. E-mail : ebomassi@chvcordeliers.com Cet article a été publié dans : L’Essentiel  (2011) : p 155-157

Myocardiopathie dilatée chez une chienne Boxer Prise en charge thérapeutique

Dans sa forme classique, la MCD se caractérise par une dysfonction systolique du myocarde ventriculaire évoluant vers l’insuffisance cardiaque (IC) et l’apparition de symptômes en relation avec une IC congestive (ICC) et/ou de bas débit.

Des formes raciales sont également décrites comme chez le boxer, race dans laquelle la MCD peut prendre différentes formes (i.e. rythmique, morphologique ou mixte).

Une chienne boxer âgée de six ans et pesant 26,2 kg est présentée en consultation pour exploration d’épisodes de lipothymie associés à une fatigabilité à l’effort évoluant depuis quelques semaines. Aucun antécédent pathologique n’est rapporté.

Examen clinique

À l’inspection la chienne est en bon état général (score corporel 3/5). La fréquence respiratoire est égale à 20 mouvements par minute. Les muqueuses sont roses et on note un allongement du temps de recoloration capillaire (trois secondes). La palpation montre une diminution de l’intensité du choc précordial ainsi qu’un pouls artériel fémoral faible et asynchrone avec les battements cardiaques.

L’auscultation cardiaque révèle des bruits cardiaques discrètement assourdis, un souffle systolique apexien gauche de grade 2/6, une tachycardie (fréquence cardiaque, FC = 200 bpm) et un rythme irrégulier.

Bilan de l’anamnèse et de l’examen clinique

La diminution de l’intensité du choc précordial et l’assourdissement des bruits cardiaques associés à une tachyarythmie chez un chien boxer adulte évoque en premier lieu une MCD primitive. Dans ce contexte, les épisodes de lipothymie et de syncopes sont secondaires à une insuffisance cardiaque de bas débit, permettant également d’expliquer la faiblesse du pouls artériel fémoral et l’allongement du temps de recoloration capillaire. La cardiopathie ne semble pas s’accompagner d’une ICC (absence de dyspnée et de distension abdominale évoquant respectivement la présence d’un œdème pulmonaire/épanchement pleural et d’une ascite). Le souffle systolique apexien gauche de faible intensité provient d’une insuffisance mitrale fonctionnelle (par dilatation de l’anneau mitral).

Une tachycardie irrégulière lors de MCD évoque en premier lieu une fibrillation atriale (FA) ou de nombreuses extrasystoles. Le principal diagnostic différentiel dans le présent cas est celui d’un épanchement péricardique avec tamponnade cardiaque. Les autres hypothèses sont une masse cardiaque ou une myocardiopathie secondaire (myocardite par exemple). Une maladie valvulaire dégénérative évoluée est également possible mais se caractériserait dans ce cas par un souffle systolique apexien gauche de plus forte intensité.

Examens complémentaires

Examen électrocardiographique

Fibrillation atriale rapide : Tachycardie irrégulière non sinusale.

L’électrocardiogramme montre une tachycardie (fréquence cardiaque égale à 190 bpm), un rythme irrégulier et des complexes QRS fins, témoignant de l’origine supra-ventriculaire de l’arythmie.Aucune onde Pn’est visualisée. Il s’agit donc d’une fibrillation atriale (FA).

Examen échocardiographique

Coupe petit axe transventriculaire en mode temps/mouvement obtenue par voie parasternale droite.
Dimensions ventriculaires augmentées en systole et en diastole

L’examen échocardiographique transthoracique en mode temps/mouvement révèle un amincissement des parois ventriculaires gauches, principalement septale (épaisseur septale diastolique SIVd = 5 mm ; VU > 7 mm) 1, une dilatation systolo-diastolique marquée du ventricule gauche (dimension diastolique ventriculaire gauche VGd = 70 mm et dimension systolique ventriculaire gauche VGs = 52 mm ; VU respectivement < 48mm et 35mm) 1, et une augmentation de la distance entre le point d’excursion maximal du feuillet antérieur mitral et le septum interventriculaire 2.
Le ventricule droit est normal. La contractilité ventriculairegauche,évaluée par la fraction de raccourcissement (FR) et la fraction d’éjection (FE, méthode Simpson) est diminuée (FR = 26 % ; FE = 31%, VU FE > 40 %) 2, 4.

Examen échocardiographique

Coupe petit axe transaortique obtenue par voie parasternale droite.
Importante dilatation atriale gauche (AG / Ao =3,04)

Le mode bidimensionnel révèle une dilatation atriale gauche importante (AG / Ao en télédiastole = 3,04, photo 3) sans dilatation atriale droite associée. Les valves atrio-ventriculaires et artérielles ont un aspect normal. Le mode Doppler couleur met en évidence une insuffisance mitrale et tricuspidenne modérée, cette dernière permettant d’estimer la pression artérielle pulmonaire systolique en ajoutant au gradient de pression entre le ventricule et l’atrium droit (obtenu à partir de l’équation modifiée de Bernouilli) la pression atriale droite (PAPs = 51,2 mmHg ;VU < 30 mmHg).

Enfin, on note l’absence d’ascite, d’épanchement pleural/péricardique et de masse cardiaque visible. Selon les critères de Dukesetcoll.5, le chien obtient un score de neuf points (>6). Il s’agit d’une myocardiopathie dilatée forme classique. Le diagnostic est donc celui d’une MCD associée à une fibrillation atriale, permettant d’expliquer les épisodes de lipothymie par IC de bas débit. La MCD est probablement primitive en l’absence de cause sous-jacente identifiée (dosage sérique de la troponine I, de la thyroxine totale et de la TSH ainsi que le dosage plasmatique de la taurine). Une MCD par carence en carnitine est possible mais non démontrée (absence de dosage sanguin validé chez le chien).

Traitement

La thérapeutique instaurée vise principalement à diminuer la fréquence cardiaque en raison de des effets délétères de la tachycardie persistante sur la contractilité ventriculaire et du risque d’apparition d’une ICC. L’association de la digoxine (4,8 µg/kg/jour en 2 prises quotidiennes, PQ) et du diltiazem (5,7 mg/kg/jour en 2 PQ) est privilégiée. Un inodilatateur est ajouté (pimobendane, 0,19 mg/kg/jour de pimobendane en 2 PQ) ainsi qu’un inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IECA, benazepril, 0,38 mg/kg/jour en 1 PQ). En raison de l’importante dilatation atriale gauche et même en l’absence d’ICC, du furosémide est ajouté à faible dose (0,76 mg/kg/jour en 2PQ). Un effet favorable de l’association IECAet pimobendane chez des animaux atteint d’une MCD a été démontré 6, 7.

La digoxine a un effet chronotrope négatif et inotrope positif. En association avec le diltiazem elle permet le contrôle de la fréquence cardiaque lors de fibrillation atriale 8.

Suivi

Un suivi régulier de l’animal est réalisé (tableau) et permet d’observer l’évolution défavorable de la myocardiopathie et la dégradation progressive de l’état clinique de l’animal jusqu’à son euthanasie demandée par son propriétaire à J0+287 (9,5 mois).

Il est ainsi intéressant de noter les événements suivants :

  • l’augmentation de la dose de furosémide suite à l’apparition d’une ICC droite à J0+90 (épanchement péricardique discret) ;
  • l’abandon du furosémide au profit du torasémide et l’augmentation de la dose de pimobendane suite à l’aggravation de l’ICC (apparition d’une ascite à J0+135) ;
  • l’augmentation progressive de la dose de torasémide en raison de l’aggravation de l’ascite. Il est à noter qu’un dosage plasmatique de l’urée et de la créatinine est réalisé après chaque augmentation de la dose de diurétique, et s’avère toujours dans les VU et stable, en particulier concernant la créatinine. En raison de l’importance de l’ascite, une abdominocentèse est réalisée régulièrement chez l’animal vigile, permettant le retrait de 4 à 5 L de liquide séro-hémorragique en moyenne ;
  • l’ajout d’une prise de furosémide le soir, en complément de la dose matinale de torasémide afin de maintenir une « pression diurétique » suffisante sur 24 heures (J0+268) ;
  • la supplémentation en chlorure de potassium suite à l’observation d’une hypokaliémie modérée à J0+190 (K+ = 3,2 mmol/l ; VU : 3,5-5,8 mmol/l).

Discussion : thérapeutique de la MCD

Traitement de la MCD, de l’insuffisance cardiaque congestive et de l’arythmie

Le traitement de référence associe vasodilatateurs et inotropes, plusieurs études ayant montré un impact favorable de la combinaison des IECA et du pimobendane chez des animaux en phase symptomatique 6, 7. Des diurétiques sont indiqués dans la lutte des contre les signes congestifs et l’augmentation de la précharge. Ils sont le traitement de choix de l’insuffisance cardiaque congestive, favorisant la diurèse, la natriurèse, la kaliurèse et la calciurèse. Dans le cas présent le furosémide a été utilisé à dose faible en début de traitement, et en l’absence de signes congestifs majeurs. Puis la dose a été augmentée jusqu’au passage au torasémide à l’apparition de l’ascite. Lors de trouble du rythme, un traitement spécifique est nécessaire (FA, extrasystoles ventriculaires ou supraventriculaires). Le traitement recommandé actuellement lors de fibrillation atriale associe la digoxine et le diltiazem pour un contrôle optimal de la fréquence cardiaque 8. Ce protocole a été utilisé chez cette chienne, dans le but principal de réduire la fréquence ventriculaire, une réversion de la FA n’étant en général pas obtenue. Cette chienne a bénéficié de l’ensemble de ces molécules afin d’effectuer une prise en charge thérapeutique multimodale. Ensuite les traitements ont été adaptés en fonction de son évolution clinique.

J+145 des ponctions régulières de l’ascite sont réalisées, afin de compléter les effets du traitement médical (diurétique en particulier), et de soulager les effets de l’épanchement sur la fonction respiratoire (compression du diaphragme par la quantité importante de liquide).

La place du torasémide dans le traitement d’une myocardiopathie dilatée

Le torasémide est un diurétique de l’anse de la classe des pyridine-sulfonylurées. Le principal site d’action est la portion médullaire de la branche ascendante de l’anse de Henlé. Comme pour le furosémide, l’inhibition de la réabsorption des ions sodium et chlorure entraîne non seulement une élimination de sel dans les urines mais également une diminution de l’osmolarité interstitielle de la médulla rénale. Ceci entraîne une diminution de la réabsorption de l’eau libre et par conséquent l’augmentation de son excrétion et de la production d’urine. Ce médicament n’est disponible que par voie orale. Sa biodisponibilité est de 90 %, supérieure au furosémide (75 % environ par voie orale), sa durée d’action est plus longue que celle du furosémide avec un temps de demi-vie d’élimination moyenne de sept heures, permettant une distribution une fois par jour, et il s’avère posséder un pouvoir diurétique dix fois plus puissant que le furosémide. Une attention toute particulière est portée à la fonction rénale, une augmentation des paramètres sanguins rénaux et une insuffisance rénale peuvent être observés pendant le traitement. Ce risque semble augmenter avec l’accroissement des doses de torasémide. Une hémoconcentration et, très fréquemment, une polyurie et/ou une polydipsie sont observées. En cas de traitement prolongé, une insuffisance en électrolytes (notamment une hypokaliémie, une hypochloŕemie, une hypomagnésémie) et une déshydratation peuvent survenir. Dans ce cas le torasémide est introduit au le 135e jour à l’apparition de l’ascite. Puis la dose est progressivement augmentée lors du suivi, jusqu’à 0,44 mg/kg/j au 268e jour, concomitamment aux ponctions abdominales. La fonction rénale reste normale lors du suivi. Comme décrit la kaliémie s’avère abaissée au 190e jour, nécessitant une complémentation en potassium. Bien qu’aucune étude ne soit disponible à ce jour, il semblerait que le torasémide soit efficace et parfaitement indiqué lors d’ascite chez le chien insuffisant cardiaque (données personnelles).

Ce cas clinique illustre une prise en charge et un suivi long terme d’une forme évoluée de myocardiopathie dilatée forme classique chez une chienne boxer. Le traitement est multimodal, utilisant quasi l’ensemble de l’arsenal thérapeutique disponible en cardiologie vétérinaire, et en particulier positionnant le torasémide, nouvelle molécule diurétique disponible et permettant une adaptation temporelle des traitements, en fonction de l’évolution clinique et des résultats des examens complémentaires.

Bibliographie

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