Données sur la MCD tauriprive
Les MCD sont classées en primaires (races prédisposées ou non) ou secondaires (métabolique, infectieuse, toxique etc.). Les MCD secondaires à un régime alimentaire inadapté peuvent être non tauriprives (carence en nutriments, présence d’ingrédients anti-nutritionnels ou toxiques) ou tauriprives, comme dans le cas décrit.
L’émergence des régimes alternatifs semble avoir été mise en relation avec de nombreux cas de MCD chez le chien.
Par conséquent, l’agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux (FDA) alerte les vétérinaires et les propriétaires du manque de recul scientifique sur les nouvelles « modes » d’alimentation notamment les aliments riches en graines de légumineuses, tels que les pois ou les lentilles, et en pomme de terre) (US FDA, 2018).
Bien que l’importance de la taurine dans l’activité myocardique soit reconnue, son mécanisme d’action reste encore flou. L’hypothèse principale est qu’elle modulerait la concentration et la disponibilité en calcium tissulaire.
La taurine aurait aussi un rôle sur la contraction du myocarde et aurait une activité antagoniste de l’angiotensine II. De plus elle pourrait inactiver les radicaux libres et aurait un effet osmo-régulateur, protégeant ainsi le myocarde et les tissus nerveux (Sanderson, 2006).
À la différence du chat, le lien entre la déficience en taurine et les MCD chez le chien a longtemps été ignoré. C’est une étude mettant en évidence une carence en taurine chez des renards atteints de MCD, qui a relancé les recherches à son sujet (Moïse, 1989). Une étude de l’Université de Davis et du Animal Medical Center de NewYork a montré que 17 % des 75 chiens atteints de MCD avaient un taux plasmatique en taurine faible, et que la majorité des sujets atteints n’étaient pas des races prédisposées à la MCD primitive, mais des goldens retrievers et des cockers américains (Kramer, 1995). Puis, l’étude MUST (Multicenter Spaniel Trial Study) réalisée sur 11 cockers américains diagnostiqués de MCD, a révélé que tous étaient carencés en taurine.
Le groupe recevant une supplémentation en taurine et Lcarnitine a montré une évolution clinique et échocardiographique favorable, ainsi qu’une médiane de survie augmentée en comparaison avec le groupe contrôle (Kittleson, 1997). Récemment, une étude sur 24 goldens retrievers nourris de manière non conventionnelle, diagnostiqués de MCD et carencés en taurine a montré que tous, sauf un, ont répondu favorablement à un changement d’alimentation et une supplémentation en taurine (Kaplan, 2018).
Diagnostic de la MCD tauriprive
Une origine nutritionnelle pour la MCD doit être suspectée chez tous les sujets recevant une alimentation alternative (ménagère, végane, végétarienne, aliments exotiques, « grain-free », pauvre en protéine ou riche en fibres). Dans notre cas, c’est l’alimentation végétarienne de la chienne qui a incité à investiguer une MCD tauriprive. Mais considérant que tout type de ration est susceptible de provoquer des carences nutritionnelles (de par leur formulation, leur biodisponibilité, etc.), les auteurs conseillent de rechercher une carence en taurine chez tous les chiens atteints d’une MCD (même chez les races génétiquement prédisposées) (Freemann, 2018 ; Sanderson, 2006).
Le diagnostic d’une carence en taurine se réalise grâce à son dosage sur plasma et/ou sur sang total (Freemann, 2018 ; Sanderson, 2006). Le taux dans ce cas était clairement diminué, mais il arrive parfois que des chiens ayant une concentration dans les valeurs usuelles à la limite basse répondent favorablement à une supplémentation en taurine.
L’interprétation des valeurs obtenues est donc à mettre en relation avec la clinique et la réponse à la supplémentation (Sanderson, 2006).
Traitement de la MCD tauriprive
De nos jours, l’alimentation est considérée comme un facteur important du traitement de la MCD (Freemann, 2018 ; Sanderson, 2006). Les études réalisées sur les races prédisposées à une déficience en taurine (goldens retrievers et cockers américains) montrent une réponse favorable au traitement ainsi qu’une augmentation de la médiane de survie dans la majorité des cas, avec supplémentation (avec ou sans L-carnitine) en plus u traitement conventionnel (Kaplan, 2018 ; Kittleson, 1997).
Son taux optimal étant encore mal connu, la quantité de taurine à administrer chez les chiens souffrant d’une MCD n’est pas encore bien déterminée. Les recommandations actuelles sont de 500 mg chez les chiens de moins de 10 kg, 1 000 mg entre 10 et 25 kg, et 2 000 mg chez les chiens pesant plus de 25 kg, répartis en deux prises quotidiennes (Freemann, 2018). Ces quantités pouvant être augmentées ou doublées si nécessaire (Sanderson, 2006), la supplémentation chez notre chienne a été estimée entre 2 500 et 3 000 mg/j.
Évolution et pronostic de la MCD tauriprive
La progression de la fonction myocardique est rarement visible à l’échocardiographie avant 2-4 mois de supplémentation, mais une amélioration clinique est généralement plus rapide (Freemann, 2018 ;Sanderson, 2006), ce qui fut le cas chez notre chienne. Il est donc important de poursuivre la supplémentation en taurine, même en l’absence d’amélioration échocardiographique durant les premiers mois. Un suivi échocardiographique est recommandé dans les 6 premiers mois de traitement mais a été poursuivi plus longtemps dans le cas décrit pour s’assurer de la stabilité des observations.
Bien que le pronostic d’une MCD soit réservé, l’origine tauriprive est l’une des rares exceptions ou la cardiopathie peut être réversible à l’aide d’un traitement adapté et d’une supplémentation en taurine et L-carnitine. Ce cas clinique illustre la nette évolution clinique et la récupération de la fonction cardiaque au long terme chez une chienne atteinte d’une MCD tauriprive, grâce à un suivi réalisé sur 10 mois.
Étant donné la progression des préoccupations contemporaines, les recherches sur les nouvelles alternatives alimentaires doivent être poursuivies, afin d’éviter les effets néfastes à long terme d’une alimentation mal équilibrée.
En attendant, il est recommandé que les animaux nourris de manière non conventionnelle, par nécessité médicale ou conviction personnelle des propriétaires, reçoivent une supplémentation adaptée.